Jump to content
Le Forum ARA

CST - CST, 80 ans d’excellence technique


Recommended Posts

  • Moderator
Posted

ACTUALITÉS

 

CST, 80 ans d’excellence technique

CST-80-ans-scaled.jpg

Quatre-vingts ans et toutes ses dents… Depuis huit décennies, la CST poursuit sa passion de transmission des savoirs et de valorisation du travail des techniciens avec la hardiesse d’un cheval au galop. L’occasion de revenir sur l’histoire de l’association et l’impact passé, présent et futur qu’il a sur ses adhérents et partenaires. Coup de projecteur sur une histoire qui s’est écrite sous le sceau de l’excellence.

Naissance de la CST : une affaire d’équilibre des pouvoirs

Pour comprendre d’où vient la décision de la création de la CST, il nous faut replonger dans les méandres de la Libération de notre pays.

Si le secteur du cinéma a paradoxalement su « prospérer » durant l’occupation, il est quasiment à l’arrêt depuis le débarquement de Normandie. Les pénuries, en particulier d’énergie, sont telles qu’il est impossible de travailler. Les installations techniques et beaucoup de salles de cinéma sont dans un état catastrophique. Et puis, surtout, les esprits sont ailleurs.

La Résistance – plutôt les Résistances – comporte des obédiences politiques très opposées. Il faut la création du Conseil National de la Résistance (CNR) pour les réunir. Sur le papier… Le Comité de Libération du Cinéma Français (CLCF) regroupe les professionnels résistants qui n’ont d’autres liens que leurs activités professionnelles, autour du Parti communiste principalement. Il est reconnu comme légitime par le CNR.

Au sein du Comité d’organisation du Cinéma français (le fameux COIC) installé par le gouvernement de l’État français à partir d’un projet né sous le Front populaire, de nombreux cadres et quelques dirigeants préparent également « l’après » en rejoignant certains réseaux de Résistance.

Dès les premiers jours de la Libération de Paris, ils sont « chassés » des locaux de la direction au 92 Champs-Élysées par les membres de CLCF. Ambiance…

Dans la foulée, le CLCF nomme Jean Painlevé comme directeur général de la cinématographie. Très tôt celui-ci prend conscience que les oppositions politiques entre les différents bords de la Résistance vont entraver son action. Afin de renforcer sa position, il décide de mettre en place un regroupement indépendant de professionnels de tous les secteurs dont le principal objectif sera de contribuer à faire redémarrer la machine Cinéma en proposant des solutions hors de tout dogmatisme.

Ce sera la Commission Supérieure Technique dont la création au 1er octobre 1944 est annoncée dans le premier numéro du journal du CLCF.

La CST s’installe au 12 rue de Lubeck, immeuble réquisitionné, précédemment occupé par la TOBIS, la société de distribution allemande. Une adresse qui va devenir un incontournable pour toute la profession…

Mais Jean Painlevé est pris en otage par la très difficile mise en place d’organismes capables de gouverner le pays au fur et à mesure du départ des troupes allemandes. Il faut se souvenir que le gouvernement provisoire de la République n’a été reconnu par les Alliés – qui ne voulaient ni des gaullistes, ni des communistes – que le 23 octobre 1944, c’est-à-dire APRÈS la création de la CST.

Après plusieurs mois de conflits, Jean Painlevé est remplacé par un haut fonctionnaire gaulliste.

Reste la CST qui, dans un mouvement de chassé-croisé avec la création du CNC, déménage au 92 Champs-Élysées, l’ancien siège du COIC…

 

Angelo Cosimano, président de la CST

Fred Orain et la création de la CST

« Souvenons-nous… 4 septembre 1944, il commençait tout juste à faire bon dans les rues de Paris enfin libre. Le Comité de Libération demanda à quelques-uns d’entre nous de tenter de constituer un organisme susceptible de résoudre les problèmes techniques qui se posaient à notre pauvre cinéma, délabré par quatre ans d’occupation. Ce jour-là étaient présents : Max Douy, Louis Page, Christian Matras, Jean Fourage, Jean Delannoy, Michel Commes, Léon Barsacq et moi-même ». [1]

C’est en ces termes que Fred Orain ouvre en 1969, pour la 25e reprise, le conseil d’administration de la CST, qu’il présida jusqu’en 1974. Si l’histoire de la CST est connue de celles et ceux qui sont passionnés par les techniques cinématographiques et audiovisuelles et leur évolution, la place que tient Fred Orain dans cette histoire mérite d’être partagée.

Fred Orain a occupé, toute sa vie durant, des postes à haute responsabilité avec pour credo la défense de la qualité du cinéma et l’amélioration de ses techniques. Les actions entreprises à la présidence de la CST cristallisent ces ambitions. Laissons la parole à deux de ses amis. Pour le décorateur Max Douy « Fred Orain a touché à tous les domaines et a été un moteur pour améliorer la qualité des techniques cinématographiques. » [2] Quant au journaliste et scénariste Rodolphe-Maurice Arlaud, il confirme en ces termes : « On le voit partout où il peut faire avancer cet art-industrie dont le destin est de s’améliorer et de se réinventer sans cesse. Orain fonce, innove, conduit, secoue, crée. » [3]

Installé dans le midi à la fin des années 1970, c’est là, au Cannet, que j’ai eu la chance de le rencontrer en 1993, alors étudiant en histoire et en histoire du cinéma à l’Université de Nice puis à celle de Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Les nombreux entretiens que j’ai effectués avec Fred Orain, la consultation de ses archives privées, les témoignages recueillis ont constitué la matière d’un mémoire universitaire consacré à sa vie de cinéma, à ses engagements, à sa passion de la technique cinématographique. A 80 ans passés, il répondait à chacune des interrogations de l’étudiant d’à peine plus de 20 ans que j’étais, avec une précision intimidante. [4]

CST_Fred_Orain.jpg

Fred Orain

Chaque conversation nous ramenait à la CST, à la stimulation intellectuelle que cette présidence suscitait en lui et à la satisfaction de constater que des convictions avaient pu se traduire en autant de projets concrets. C’est là, à la présidence de la CST, que sa passion de la technique et de l’innovation s’est clairement exprimée.

Passion ancienne, qui remonte à sa formation.

 

[1] Introduction du rapport moral présenté par Fred Orain, président de la CST, 1969.
[2] Extrait d’un entretien effectué par l’auteur de ce texte avec Max Douy effectué en mai 1996
[3] Extrait d’une lettre de Rodophe-Maurice Arlaud écrite à l’auteur de ce texte, en avril 1996
[4] Un résumé de ce mémoire universitaire est paru sous forme d’article dans la revue 1895, AFRHC, n° 23, décembre 1997

Se former, innover, transmettre

Né en 1909 à Bonnemain (Ille-et-Vilaine), fils unique de parents instituteurs, il se distingue dès l’école primaire par de brillants résultats. Son parcours est celui d’un surdoué : certificat d’études à neuf ans, baccalauréat à quinze, diplômé de trois écoles d’ingénieur à vingt (École Bréguet, Institut Électrotechnique de Grenoble, Supélec). En 1929, il est engagé par les laboratoires Standard ITT qui l’envoient à Ténérife où il est affecté dans un secteur dont il ignore tout : la radio. Sa tâche consiste à assurer techniquement les émissions de radio et à en améliorer la qualité de diffusion.

C’est véritablement en 1931 que Fred Orain commence sa longue carrière cinématographique, en intégrant le service Son des studios Paramount, où il participa successivement à l’enregistrement des versions multiples des films de fiction, à la sonorisation des bandes d’actualité, avant de devenir chef d’édition des Actualités Paramount, jusqu’en 1939. En juin 1940, il quitte Paris avec des camions d’enregistrement pour Tours puis pour Bordeaux avec l’espoir de continuer l’enregistrement des journaux, ce qui se révèle totalement irréalisable.

A la fin de l’année, il revient aux studios de Saint-Maurice où il est nommé ingénieur-conseil et quelques mois après, il en devient directeur technique. Ce rapide survol de ses années d’apprentissage souligne son ascension professionnelle, en cohérence avec ses brillantes études et les gratifiants résultats obtenus.

Aux derniers mois de l’Occupation, Fred Orain est considéré comme un des techniciens de tout premier plan, dont les compétences techniques sont reconnues de la profession. Ainsi, en 1944, lorsqu’il est question de créer un organisme appelé à remettre sur pied le cinéma français en s’occupant aussi des techniques cinématographiques, Fred Orain participe activement aux premières réunions qui aboutirent à la création de la Commission Supérieure Technique, qu’il présida pendant trente ans.

Trente ans à la présidence de la CST

Ces réunions sont présidées par M. Buron (secrétaire général du Comité d’Organisation de l’Industrie Cinématographique, le COIC, qui a précédé le CNC) et M. Riedinger de la Direction du Cinéma. Participent à ces réunions, notamment, Jean Vivié (alors chef du Contrôle Technique du Cinéma au sein du COIC) et Fred Orain. Ce dernier se souvenait que la dernière réunion eut lieu « alors qu’on pouvait entendre le roulement des convois militaires, c’était quelques jours avant la Libération ». Jean Painlevé, alors chargé de mission auprès du ministère de l’Information, propose la création d’une commission technique du cinéma français. Plusieurs techniciens du cinéma sont chargés de réfléchir à son fonctionnement, représentant différents secteurs : images, décoration, son, réalisation…. Parmi eux : Max Douy, Christian Matras, Léon Barsacq, Michel Commes, Louis Page, Jean Delannoy et Fred Orain. Cette commission a la difficile tâche de résoudre les problèmes techniques qui se posent au cinéma français au lendemain des quatre années d’Occupation. Le 8 septembre 1944, le premier bureau de la CST est né. Fred Orain en devient le président et Max Douy, le vice-président.

« Nous connaissions son passé technique et nous savions qu’il avait fait Supelec. Il a vite été élu président de cette fameuse CST. C’était un des meilleurs techniciens du son que l’on ait connu » précise comme une évidence Max Douy. [5]

Les difficultés qui se posent au cinéma français sont nombreuses (manque de courant électrique, de charbon, de pellicule, de matériaux de construction pour les décors…). L’ampleur des problèmes à traiter est telle que Fred Orain et les membres du Conseil d’Administration décident de former des sous-commissions de travail spécialisées qui couvrent plusieurs domaines : les laboratoires, la projection sonore, la couleur-relief, le studio prise de vues, le studio-décors, le montage, le son.

Dans des articles et conférences, Fred Orain défend l’idée que le cinéma français doit se doter d’une ossature technique efficace et il essaie d’intéresser les pouvoirs publics à ses travaux. La CST trouve très vite sa place au sein du CNC créé en 1946, rattaché au ministère de l’Industrie. L’article 7 du décret du 28 décembre 1946 relatif à la loi du 25 octobre 1947 portant sur la création du CNC stipule que « pour toutes applications d’ordre technique intéressant l’industrie cinématographique, le directeur général du Centre devra recueillir l’avis d’une Commission Supérieure Technique du Cinéma, dont la composition et les modalités de fonctionnement seront arrêtées par le ministre de l’Industrie et du Commerce. »

CST_Congres_Turin_Fred_Orain_1961.png

Le congrès de Turin en 1961 – Collection Fred Orain.

Dans ce cadre administratif, la CST trouve la forme juridique qui lui donne la liberté d’action et de discussion indispensable à son fonctionnement. Elle se constitue en association Loi 1901. Le 21 juin 1948, les statuts de la CST sont déposés. L’article 2 définit ainsi son objet :

« La Commission a pour objet des études, recherches, essais et réglementations intéressant la technique cinématographique dont l’examen lui sera demandé, soit par ses membres, soit par tout autre organisme officiel. »

Ainsi, quatre ans après l’élection du premier Bureau directeur, la CST possède une existence juridique bien définie et s’installe clairement et durablement dans le paysage cinématographique français.

 

[6] Extrait d’un entretien effectué par l’auteur de ce texte en avril 1994

Défendre la qualité

« L’ambition de la CST était de faire se rencontrer les membres des différentes professions qui composent le cinéma. Je voulais provoquer leur rencontre, parce que je pense que c’est le meilleur moyen pour enrichir ses connaissances, pour améliorer les techniques du cinéma et en découvrir de nouvelles. » [6]

Ces propos de Fred Orain prononcés en 1994 font écho à ceux publiés dans le Bulletin de la CST en 1960 : « (…) Donner l’exemple ! Sur le plan technique, bien sûr, puisque nous sommes techniciens. Démontrer qu’il est possible à employeurs et employés, usagers et constructeurs, patrons et ouvriers, de s’entendre. (…) Nous battre, non pour un intérêt individuel immédiat, mais pour que notre pays produise moins cher et surtout nous battre pour la défense, voire la promotion de la qualité. »

Afin de structurer les chantiers de la CST, Fred Orain propose des réunions, le lundi, consacrées exclusivement à la discussion entre le Comité directeur et les Commissions. Le Comité directeur, composé de six à douze membres, a pour tâche essentielle pendant ces réunions de fixer le plan de travail des sous-commissions et de les orienter vers les problèmes techniques d’actualité. Fred Orain débute chaque réunion par la lecture d’un courrier technique et partage des informations générales en provenance de France et de l’étranger. Ensuite la commission discute des sujets inscrits à l’ordre du jour.

Durant les vingt premières années de la présidence de Fred Orain, certaines innovations proposées par lui et les membres de la CST ont participé à l’évolution des conditions de réalisation de films ou de leur exploitation.

Citons-en quelques-unes :

L’équipement en pieds-grues et chariots convenant à l’exécution des mouvements de caméra, l’incidence des procédés à image large ou panoramique sur la conception des plateaux de prise de vues et le montage des décors, la définition des caractéristiques optimales d’enregistrement en liaison avec les caractéristiques de restitution dans les salles, l’introduction des pellicules à haute sensibilité pour prises de vues nocturnes, les problèmes d’équipement posés par la réalisation de certains effets spéciaux, les problèmes posés par l’agrandissement des écrans, la recherche des conditions optimales de tirage des copies destinées à être télévisées…

Max Douy nous avait expliqué qu’« il était difficile de dire précisément, rétroactivement, quelle personne avait eu l’idée de prioriser tel ou tel sujet. Était-ce Fred Orain, Jean Vivié, un directeur d’une sous-commission en lien avec d’ingénieux techniciens ? » Mais Max Douy affirmait que « Fred Orain était un président très présent, au courant de chaque initiative prise par les différentes commissions ».

Les souvenirs de Fred Orain recueillis durant les multiples entretiens effectués avec lui de 1993 à 1997 (Fred Orain est décédé en 1999), associés à la lecture des actes des colloques et des textes de conférences qu’il a assurés, nous permettent de souligner quels étaient ses chevaux de bataille, qui recouvraient à la fois des combats collectifs, et qui constituaient, lorsqu’ils étaient gagnés, de véritables motifs de satisfaction.

Citons-en deux, à commencer par le plus évident, le retrait du film nitrate en 1953, qui présentait deux principaux défauts majeurs : l’instabilité chimique et l’inflammabilité extrême. Il s’est également exprimé à plusieurs reprises sur le développement du cinéma en milieu rural. En septembre 1945, lors du Congrès international du cinéma de Bâle, il défend l’idée d’une expansion de l’exploitation en format réduit. Il évoqua à nouveau ce sujet dans les années qui suivent : « Si, chaque jour, un citadin sur quarante se rend au cinéma, seulement un paysan sur mille a droit au même plaisir. » Il recommande ainsi l’emploi du 16 mm parce que le matériel est plus léger et plus facilement transportable.

« … permettre au public des campagnes, à celui de hameau comme à celui de grosse bourgade, d’assister à des séances cinématographiques de qualité. » Pour cela, il propose « l’organisation de tournées par postes mobiles 16 mm sur voiture automobile. » Et il conclut ainsi : « Le format réduit peut guérir la France de cette cécité qu’est l’ignorance. Le cinéma ne peut rester éternellement et exclusivement sous les yeux de celui qui peut payer. L’écran réduit doit devenir le miroir du monde, plus exactement le miroir de l’Homme. »

Il a en outre critiqué l’utilisation des formats, à ses yeux, trop larges (2,5 x 1 ou 2,33 x 1) qu’il jugeait peu économiques en estimant leur apport esthétique limité. Il a également défendu la qualité de la diffusion des films sur le petit écran de la télévision, grâce à un meilleur transfert des films de cinéma.

Dans le prolongement de la création de la CST, Fred Orain émet l’idée, au début des années cinquante, de créer une association réunissant les techniciens internationaux dans le but d’encourager la coopération internationale de ses membres. En septembre 1957, les statuts de l’Union Internationale des Associations Techniques sont déposés. Fred Orain en devient président. L’Uniatec a connu son heure de gloire au plus haut de la Guerre Froide en se tournant vers les pays de l’Est, permettant ainsi aux techniciens travaillant de l’autre côté du Mur de ne pas être isolés.

Cette liste de projets, d’actions, de combats collectifs est naturellement loin d’être exhaustive. Elle nous renseigne en parallèle sur le parcours de Fred Orain qui, tout en étant président de la CST, a mené aussi une carrière de producteur.

Où l’on se rend compte que son quotidien à la CST nourrissait celui de producteur. Et inversement.

 

[6] Extrait d’un entretien effectué par l’auteur de ce texte en avril 1994

Afficher l’article complet

Join the conversation

You can post now and register later. If you have an account, sign in now to post with your account.

Guest
Reply to this topic...

×   Pasted as rich text.   Restore formatting

  Only 75 emoji are allowed.

×   Your link has been automatically embedded.   Display as a link instead

×   Your previous content has been restored.   Clear editor

×   You cannot paste images directly. Upload or insert images from URL.

×
×
  • Create New...

Important Information

Assistant Directors & Associates (ARA) is an association dedicated to directing and production departments in feature films. She advocates a caring and courteous environment, conducive to quality exchanges and respectful for others. Please take a moment to read these few Guidelines as anyone posting on our platforms will be considered to have read them. These are subject to change at any time and therefore apply to all of our services, both in public and in private. We therefore invite you to consult them regularly.